Les photographies de Charles Camberoque
Par André Vinas
Un très grand plaisir pour les yeux d'abord que cette superbe exposition de photographies de Charles Camberoque, très bien présentées par notre ami Jacques Deloncle dans son fief de la «Casa Pairal», un Jacques Deloncle qui sait être orateur et poète. Non seulement un plaisir des yeux, mais aussi un plaisir de l'esprit.
Car il y a une constante dualité dans l’œuvre de Camberoque. Sans doute il n'oublie que le photographe a la tâche à la fois modeste et difficile de montrer, de nous faire cheminer à travers la réalité sous toutes ses formes, et c'est à lui de savoir choisir celles qui lui conviennent. Il doit nous révéler l'objet que nous pouvons ou que nous ne savons pas voir - et là sa démarche se rapproche de celle du peintre avant la découverte de la photo - mais aussi, s'il veut explorer d'autres routes que celles du document ou du reportage, il doit accepter de nous faire parvenir à sa propre connaissance de l'objet. Et alors cette quête subjective est bien celle du poète dans toute son exigence créatrice.
C'est cette dualité en même temps narrative et onirique, toujours présente chez Camberoque, qui charme au plus haut point celui qui regarde cette oeuvre. Nous devrions être blasés. Notre époque est celle de l'image. Nous sommes entourés d'images, de toutes sortes, de tous formats, de tous sujets. Et voilà qu'un chasseur d'images - un de plus, devrions-nous dire - nous arrête, nous interpelle, non pas par le caractère choquant, tapageur, publicitaire de ses images, mais par un charme subtil qui, en demi -teinte, discrètement, amicalement, nous pénètre, et finalement nous séduit. Mariage harmonieux du réalisme et de la poésie !
Dans ce remarquable choix qui s'étale entre 1975 et 1993, où Camberoque nous promène à travers les images fortes des Paillasses de Cournonterral, celles des arènes espagnoles, celles, extraordinaires de souplesse et de mouvement, des fameux chiens de Majorque, et celles étonnantes d'une Chine pour nous inconnue, mais où l'auteur découvre des gestes d'une simplicité fondamentale qui n'a pas d'âge ni de lieu, nous rappelant avec une suprême élégance que la beauté est universelle parce qu'elle est en chacun de nous si nous voulons bien la chercher, dans ce choix donc, tiré d'une production déjà considérable, nous pouvons apprécier certes le métier sans défaut d'un artiste qui ne fait aucune concession à la facilité pour mieux nous faire pénétrer dans un univers étrange, souvent surréaliste, où le moindre détail nous plonge dans un abîme de réflexions.
Un très bel album de cette exposition, préfacé par deux textes de qualité, l'un de Gilles Mora, l'autre de Jean Arrouye, est édité par les "Cahiers de la Photographie".
André Vinas
Compte rendu de l’exposition présentée en 1994 à la Casa Pairal
du Musée des Arts et Traditions Populaires du Castillet à Perpignan.
Publié dans le revue Conflent N°192