| L'écriture lumineuse
Par Charles Camberoque
Texte traduit et publié en Espagne en 2003 par HUESCA IMAGEN dans l’ouvrage intitulé : Para qué fotografiar,
sous la direction d’Antonio Anson
pour l’Université Internationale Menéndez Pelayo.
Para que fotografiar ? Comment photographier ?
Pourquoi encore photographier ? Dans quel but photographier ?
Avec quoi photographier ?
Ces questions tombent bien, car le quinquagénaire-photographe que je suis devenu et qui a commencé très jeune à se passionner pour la photographie, se les pose de façon cyclique et récurrente !
Face à l'abondance technologique, devant les enjeux médiatiques et économiques, est-il toujours aussi important de photographier ?
Mon expérience professionnelle m’a amené à travailler dans le monde de l’image depuis plus de trente-cinq ans. J’ai abordé la photographie en 1968, en tant que professionnel, et j'ai suivi avec beaucoup d’intérêt son évolution ainsi que celle de la vidéo. Et, à un âge où certains peuvent être blasés, j’ai eu la chance de vivre cette « révolution numérique » qui m’a ouvert à l’espace informatique, devenu à mon avis totalement incontournable même pour les photographes. Depuis presque une décennie, je me suis retrouvé avec délices comme un jeune débutant avec des outils inconnus et des possibilités nouvelles qui m’ont stimulé voire réveillé. J’ai connu des moments d’intense jubilation mais aussi de découragement, de rage et de désespoir épouvantables par lesquels passe tout pratiquant de l’informatique.
En tant que photographe, j’ai eu la sensation, grâce aux possibilités du numérique et surtout du logiciel Photoshop de gagner une forme de liberté dans la composition et la réalisation des photographies me retrouvant finalement plus libre dans ma création, un peu comme doit l’être un peintre ou un écrivain, moins dépendant du sujet. Le photographe « traditionnel » m’apparaissant dès lors, comme otage et prisonnier du réel.
Par ailleurs, en tant que cameraman, puis en tant que réalisateur j’ai pratiqué aussi la vidéo passant avec un grand bonheur du montage analogique au numérique.
Tout cela pour vous dire combien, au final, je m'amuse bien. Combien j’apprécie les bienfaits de toute cette évolution dont je profite pleinement sans sectarisme, me semble-t-il, et à la grande surprise de beaucoup qui, ne retenant de mon travail de photographe que le premier degré de l’aspect documentaire ne comprennent pas qu'actuellement, je puisse allègrement et avec autant de plaisir, intervenir avec Photoshop dans mes images. Ils n’ont sûrement pas bien compris, que ce qui compte pour moi, c’est plus ce qu’évoquent les photos que ce qu’elles représentent, mais cela est une autre histoire...
Il faut bien admettre qu’avec l’arrivée du numérique tout le monde est plus ou moins photographe, tout le monde peut faire des photos, mais cependant tout le monde n’a pas forcément un projet photographique cohérent, quelque chose à dire, à exprimer par l’écriture photographique. Car, pour moi, un des intérêts de la photographie et de ses enseignements est qu’ils permettent d’affirmer constamment la présence d’une technique, oui, mais une technique au service d’une philosophie, d’une démarche intellectuelle, qui aide à interpréter et lire le monde en alliant l’action et la réflexion, le dire et le faire, la théorie et la pratique. Et ceci avec comme projet et espoir, de contribuer à construire l’individu, d’apporter une petite pierre à la construction de notre si complexe société.
J'admets que ce programme est à la fois ambitieux et quelque peu utopique, mais j’y ai cru, et je n'étais pas le seul à y croire. Beaucoup de photographes comme moi, "rangés" dans la case "photographie sociale" partagent ce point de vue, même si, il y a quelque temps, avec Sébastiao Salgado nous nous interrogions et doutions en nous demandant si nous ne nous étions pas égarés en basant toute notre vie et engagement photographiques autour de l’homme et des valeurs humanistes. Nous serions-nous trompés sur la nature humaine? Quelle naïveté que de vouloir faire évoluer le monde avec la photographie comme (seul) outil! De plus, le fait de douter avec quelqu’un comme Salgado, photographe largement reconnu et apprécie de par le monde, me laisse encore plus perplexe. Photographier pour ces raisons était-ce utile et nécessaire ?
En avançant en age, j’ai de plus en plus la conviction que les images argentiques ou numériques ne sont pas dans la photographie ce qu’il y a de plus important. Certes, dans notre société de fric, elles ont une valeur marchande. Mais le plus subtil est qu'elles rentrent dans la mémoire des lecteurs-regardeurs. Alors, ces images dans nos têtes deviennent mentales et s’accumulent avec d’autres souvenirs créant parfois des assemblages, des modifications donnant naissance à d’autres images “fantasmées”, bien plus riches peut-être que celles accrochées aux murs des galeristes.
Je photographie parfois en pensant à tous ces bienheureux voleurs de photos qui feuillettent “impunément” des albums dans les librairies et qui partent sans rien acheter mais avec leur mémoire pleine. C’est pour eux aussi qu’il faut photographier, sans oublier que ce sont ces images, ces souvenirs d’images qui sont les plus intéressants à susciter. Le temps, le mouvement ont été arrêtés sur la pellicule mais il continueront à évoluer dans la tête du regardeur. La photographie devenant l’interface entre le photographe et les mémoires.
De l’argentique au numérique
Je dois préciser pour que cela soit bien clair que si j'ai été perplexe devant les premiers appareils numériques, rapidement je me suis enthousiasmé pour les générations suivantes et actuellement je ne pourrais pas envisager de ne pas travailler en numérique. Ce qui ne veut pas dire que j'en suis un fanatique partisan non plus. Je ne veux pas, tout simplement, entrer dans les vaines polémiques entre les puristes fidèles de la Tri X d'un côté et les adeptes du numérique de l'autre. Nous avons, en tant que créateurs d'images, une nouvelle technologie à notre disposition, pourquoi ne pas l'utiliser ? Et prendre ce qu'elle a de bon et qui nous aidera à mieux nous exprimer tout en restant lucides sur ses possibilités.
Les avantages du numérique sont évidents, énormes, irréversibles…Je n'en ferai pas la liste mais il faut souligner que pour une utilisation commerciale de la photo, le numérique permet essentiellement l’envoi des images dans plusieurs rédactions, imprimeries de journaux et magazines, presque à l’instant de la prise de vue, quel que soit, de par le monde, le lieu de la prise de vue. Efficacité économique, gain de temps, donc d’argent. Ça ,c’est bon pour le business ! Mais qu’en est-il de la création ?
De gros inconvénients !
Les appareils numériques performants sont d’une lourdeur pénible et grands consommateurs d’énergie électrique donc de piles ou batteries qu’il faut transporter avec leurs chargeurs. Avoir avec soi un ordinateur semble également indispensable et augmente le coût, l'encombrement et le poids du matériel nécessaire et prend un temps supplémentaire considérable.
À la prise de vue, (dans les premiers modèles d’appareils et les « bas de gamme »), on peut noter une certaine lenteur dans la réaction de l’obturateur qui ne se déclenche pas instantanément et qui est parfois très gênante suivant les modèles d’appareils numériques et le genre de photographie pratiquée (temps de réaction: 0,9 seconde et 0,4 pour les dernières générations d'appareils). Pour l'instantanéiste que je suis cela est extrêmement pénalisant.
Il faut savoir aussi que le problème de la trop grande profondeur de champ implique une écriture photographique particulière.
A cela s'ajoutent des problèmes également avec le contraste et la difficulté de traduire correctement les grands écarts entre les hautes lumières et les basses lumières.
Sans oublier que toute surexposition se traduit par une absence totale de détail, donc par une tache blanche, qui, à la retouche, ne peut que devenir grise.
La maturation argentique.
Pourquoi photographier? Dans quel but ? Mais pour passer par ce lent processus d’invention, de fabrication des images, pour éprouver nos sens de photographe par cette longue maturation, ce travail de fond qui, avec le recul, efface de la mémoire du photographe les instants parasites d’avant et d’après le déclenchement de l’obturateur pour ne garder que l'essentiel.
On dit que pour cela, Koudelka laissait ses négatifs vieillir pour mieux les revoir et les choisir sur les planches contact, longtemps après la prise de vue.
Inquiétants enjeux économiques du numérique
Mais à terme, que va devenir le procédé argentique ? Résistera t-il face à l'engouement généralisé pour le numérique ? Devant la désaffection du public pour l'argentique, n'y a-t-il pas un danger à voir disparaître notre vieille photographie et sa traditionnelle panoplie de films, papiers, produits désormais moins rentables pour les commerçants qui vivent de ces ventes, mais indispensables à tous les auteurs de photographies. On trouve déjà des imprimantes et tous leurs accessoires dans les boutiques de photo. Jusqu'à quand pourra t'on encore s'y procurer facilement du D76 du Record Rapid ou des TMax ? Les films super 8, avec l'arrivée de la vidéo, ne se vendaient plus et les seuls qu'on trouve encore ont quasiment doublé de prix. Donc, si les produits photo argentique ne se vendent plus aussi bien, leur production va inexorablement baisser et dans le meilleur des cas leur prix monter ! Avant d'être purement et simplement retirés du marché comme ce qui a failli se passer dans les années 70 avec la disparition programmée du papier baryté qui devait être remplacé par les papiers plastiques RC. A cette époque, Jean Dieuzaide avait mené une véritable campagne, un combat, pour le maintien de la commercialisation des papiers photo traditionnels.
Aujourd'hui la situation me semble bien pire et Jean Dieuzaide n'est plus là! Si il y a trente ans la disparition menaçait un seul produit : le papier baryté, actuellement, c'est tout un procédé qui est en danger.
Il va falloir être attentifs, même la photo s'inscrit dans la mondialisation et offre de grands enjeux économiques avec beaucoup d'argent à gagner dans ces évolutions technologiques.
Par les temps qui courent les multinationales de la photographie ne nous feront pas de cadeaux. Soyons très très vigilants si nous ne voulons pas voir disparaître nos outils basiques de création photographique.
Les bonheurs de l'argentique
Pourquoi photographier ENCORE AUJOURD'HUI en argentique ?
Mais pour retrouver ce plaisir au travers de cette mécanique subtile et si précise de l’appareil photo argentique! Plaisir tactile, ergonomique. Plaisir de l’obturateur qui fait sa petite musique. Plaisir de voir l’image sur le dépoli, avec ses nets et ses flous. Plaisir de jouer avec la bague de mise au point et le cliquetis des diaphragmes. Plaisir de réarmer et de supposer que l’image prise sera la bonne, par cette soustraction au moment où le miroir se relève. Plaisir de pré visualiser, cher à Ansel Adams. Plaisir d’attendre la fin du développement, puis de sortir le film encore humide des cuves de développement, après ce rituel pratiqué dans l’obscurité si propice au recueillement.
Et, à ce sujet, se retirer dans son laboratoire pour y travailler dans la solitude et l'obscurité, n'est ce pas favorable à la réflexion? À une analyse sur son travail de prise de vue que l'on revisite. À une interrogation sur ce que l'on a fait de bien et de mal. En restant cloîtré dans son labo, le photographe y apprend beaucoup sur lui-même. De là à dire que ce moment de concentration et de repli sur soi fait penser à de la prière, il n'y a que quelques pas…
Cette notion de recueillement quelque peu mystique de la photographie, Jean Dieuzaide l'abordait dans un entretien que j'avais filmé au Château d'eau. Il me faisait remarquer que bien des termes du champ lexical photographique étaient empruntés à la religion : révélation, fixation… Ajoutant que le Christ nous avait donné la photographie au travers du suaire de Turin, grâce à Véronique, la Sainte patronne des photographes!
Cette remarque de Dieuzaide ravirait probablement Gabriel Garcia Marquez dont un personnage, dans "Cent ans de solitude" cherchait à prouver par la photographie l'existence de Dieu…
Si la photographie a toujours généré des histoires divines, de magie, ou de sorcellerie, je doute que la froide technologie informatique en inspire autant.
Pour revenir à des notions plus concrètes, je constate, en discutant avec des confrères, que la notion de plaisir a changé et apparaît à beaucoup de photographes par défaut, car ils réalisent soudain que l’appareil numérique est totalement silencieux, sans la moindre vibration au déclenchement. Par comparaison, on s’aperçoit du plaisir perdu, plaisir à sentir le bruit de l’obturateur et l’avancement du film, voire le bonheur de réarmer. Avec ces petits instants occupés à ces gestes, on pouvait pendant ce temps, continuer à penser sa photographie et à modifier sa construction au fur et à mesure de l’action.
La concentration nécessaire à la prise de vue en numérique étant bien souvent moindre par rapport à l'argentique, elle implique une multiplication de mauvaises images. Et malgré cette abondance possible, il arrive parfois qu'il n'y en ai aucune de bonne !
La possibilité de stocker à l’infini et d’effacer multiplie aussi les prises de vues numériques qui nous envahissent et par la suite rendent problématique tout choix.
Le manque de recul face aux images numériques que l'on peut voir tout de suite ( c'était déjà le cas avec le Polaroïd ) et que l’on peut effacer au moment de la prise de vue, crée une nouvelle façon de "penser l’image" et d’élaborer une série de photos.
Jean François Leroy, directeur artistique du Festival de Perpignan Visa pour L'image, confirme dans "L’Indépendant" de Perpignan du 30 août 2003 qu’à la suite de la guerre en Irak, « d’un point de vue photographique, se pose la question du traitement en tout numérique de l’événement. Une première ! » dit-il « Le problème du numérique c’est qu’il n’y a plus de deuxième choix. Puisqu’on peut instantanément choisir la photo, on détruit celles qui ne servent pas. On perd des clichés à tout jamais. Pour l’histoire, il n’y a plus de "revisite" possible. On ne peut plus exhumer négatifs ou planches contact pour tirer ce qui ne l’a pas été. On risque de perdre la mémoire ».
Par ailleurs, on constate qu’une désacralisation de l’acte photographique, si bien décrit, lui, par Roland Barthes, apparaît avec le numérique. L'acte de photographier perd son côté solennel : si la photo n’est pas bonne, on la détruit à l’instant sans qu’elle laisse de traces! Dans ce cas, les personnes photographiées sont plus décontractées et confiantes vis à vis du photographe, dès lors qu’elles peuvent immédiatement choisir l’image qui va rester d’elles. Mais est-ce un réel avantage pour un créateur ?
Il faut aussi rappeler les propos de Roger Théron, un des patrons-fondateurs de Paris Match, qui a toujours mis en avant "le poids des mots et le choc des photos". Il a toujours précisé que les photographies publiées dans son hebdomadaire devaient être avant tout, plus symboliques qu'un fidèle reflet du réel. Ce qui signifie que les bidouillages existaient bien avant le numérique et Photoshop, mais actuellement la perfection atteinte est inquiétante et dans certains cas, suspecte.
Au final, plus aucune photo n'est digne de confiance. La retouche qui rend les photos impeccables est une chose, mais, où commence-t-elle ? Et où devrait-elle s'achever ? … Et pourquoi devrait-il y avoir des limites ?
La retouche, la reconstitution de photographies, la composition même d'images fabriquées de plusieurs autres, font désormais partie de l'écriture photographique. Et elles seront tout aussi impossibles à constater, comme il est impossible de vérifier le point de vue, l'objectivité, la subjectivité ou la mauvaise foi d'un journaliste qui a écrit un texte.
Seule la signature de l'auteur sera garante de la qualité de ses propos, en photographie comme dans l'écrit, et plus que jamais !
Et la vidéo ?
Le problème de la vidéo me semble important à considérer car il n'est pas sans parenté avec la photographie. Combien de photographes ont naturellement glissé vers le cinéma et aujourd'hui la vidéo ?
La vidéo a pris le pas sur la photographie de reportage. Le son, l’image qui bouge, leur large diffusion sur les chaînes de T.V. hertziennes ou satellites et câble, sont autant d'avantages évidents sur l'image fixe et ont depuis longtemps pris la place qu’occupait la photographie, quoique…
De la lourdeur fastidieuse de la vidéo...
Du début de la télévision aux années numériques, de grosses équipes étaient nécessaires pour la réalisation de reportages. En 1975 il était courant que 5 personnes les constituent : chauffeur, journaliste, preneur de son, cadreur, et réalisateur. Tout cela impliquait une lourdeur et des habitudes qui persistent encore dans bien des cas. Actuellement, la tendance des nouvelles chaînes est de n’envoyer qu’un Journaliste Reporter d’Images (JRI) qui souvent fait aussi le montage de son sujet.
Malgré ce, le type d’écriture imposé par les rédactions, implique une lourdeur dans la prise de vue et la réalisation. Beaucoup de prises ne sont pas spontanées et, dans la plupart des cas, les scènes sont négociées entre les JRI et les sujets participants.
L’emploi d’un lourd pied pour la caméra, le besoin parfois d’éclairage, la prise de son qui demande aussi l’installation de micros, de fil, d’émetteur éventuel, contribuent à un certain manque de spontanéité. D’autant plus que la mise en place de tout ce dispositif requiert des essais préliminaires avant le tournage.
Les nouvelles caméras DV présentent des avantages certains, surtout dans leur maniabilité et leur poids, ce qui fait évoluer l'écriture dans la forme; les mouvements et les cadrages deviennent plus souples…mais pas le fond du récit, qui, lui, reste figé et formaté dans les anciens carcans et les vieilles habitudes.
Au niveau de l’utilisation grand public de la vidéo, force est de constater que ces dernières années, beaucoup d’amateurs qui s’étaient équipés de caméras sont revenus à la photographie, la trouvant finalement plus souple et plus commode. Et ce, d’autant plus que les appareils de photo numérique sont arrivés sur le marché avec la possibilité de filmer quelques séquences d’images et de sons. Combien de fois j'ai entendu : " Je n'utilise plus la vidéo… Au moins, avec les photos, on a des tirages qu'on peut montrer facilement, tandis que pour les films, il faut une télé et faire tous ces fichus branchements".
Le fait d'envoyer les photos par Internet ou du moins d'en avoir la possibilité est un autre avantage en faveur de la photographie. Numérique ou pas, car l'on peut aussi scanner les tirages voire les négatifs.
Alors, ré inventons: "l'écriture lumineuse"
En France, on chasse les Anglicismes! Alors chassons aussi les origines grecques et francisons le mot Photographie. Vive L'écriture lumineuse!
Et pourtant…Devant toute cette technologie performante «l’invention », (au sens des chercheurs de trésor), d’un procédé simple s’impose, qui permettrait à un homme curieux de parcourir seul le monde, libre de ses mouvement, sans équipe technique, sans autres compagnons que ses propres références et son vécu.
Un procédé si simple qu’il ne nécessiterait qu’un tout petit appareil de quelques centaines de grammes tout au plus. Un instrument qui fonctionnerait à toutes les températures avec régularité et qui ne nécessiterait ni piles, ni accus. Ce petit appareil stockerait les images dans de petites cartouches avec la possibilité de traiter ultérieurement les éléments prélevés sur le monde, afin d’avoir le temps de la réflexion sur le choix, et même du "repentir", notion en même temps si chère aux peintres! Et dans le but de simplifier l’aspect technique et pour s’éloigner de la triste réalité d’une représentation colorée des choses dont on est repu face aux médias contemporains, les images enregistrées seraient traduites dans une gamme de gris allant du blanc au noir uniquement. Laissons donc la couleur au numérique et à la vidéo qui la traduisent si bien!
On pourrait envisager alors de fournir ce type d’appareil à des êtres humains, en opposition à ces systèmes automatiques, si bien analysés par Paul Virillo, qui, eux, nous filment et nous photographient sans intervention humaine. Des Hommes choisis pour leur vision particulière du monde, pour leur point de vue sur les choses. Et l’on prendrait plaisir à observer avec attention les images que ces gens là nous rapporteraient de tous les sujets qui pourraient leur inspirer une prise de vue.
Chacun préférerait l’un ou l’autre de ces "rapporteurs d’images de confiance" pour la pertinence de ses points de vue, sa déontologie, son engagement personnel et philosophique, voire politique dans sa vision et interprétation du monde.
On pourrait alors envoyer ces hommes de confiance avec leur tout petit appareil, de par notre relatif monde pour qu’ils nous ramènent leurs impressions en images sur tous les sujets qu’ils choisiraient eux-mêmes, puisqu’on leur ferait confiance. Et, en plus, cela coûterait moins cher que ces équipes de Télévision au regard formaté par leur directeur de conscience, oh! pardon! je voulais dire directeur d'antenne.
Pourquoi photographier encore?
Mais pour le plaisir intellectuel et physique, voire sensuel de le faire! Pour aller à la recherche de l'essentiel, débarrassés enfin de tout ce superflu qui nous entrave.
Enfin libres, sans la lourdeur de toute cette fabuleuse technologie. Libres comme un écrivain et son crayon, comme un peintre et son pinceau !
Pourquoi photographier encore ?
Mais pour "faire image", comme ils disent à la radio !
Pour se mettre en "stand by" comme ils disent à la télé!
Quel luxe d'arrêter le flux ininterrompu de cette avalanche de surinformation !
Quel plaisir de s'arrêter sur une écriture lumineuse !
Plus que jamais la photographie m'apparaît pleine d'avenir, comme une affaire d'auteur qui réfléchit, choisit, élabore et structure son discours photographique.
Et plus que jamais la définition de Daguerre en 1838, me semble d'actualité : « La découverte que j’annonce au public est du petit nombre de celles qui par leurs principes, leurs résultats, et l’heureuse influence qu’elles doivent exercer sur les arts, se place naturellement parmi les inventions les plus utiles et les plus extraordinaires … Elle consiste dans la reproduction spontanée des images de la nature reçue dans la chambre noire »
Aujourd’hui encore si la photographie, et plus particulièrement la photographie en noir et blanc, n'existait pas, il faudrait l'inventer.
Et, de par sa simplicité et son efficacité, on trouverait le procédé tout à fait génial.
Que vive l'écriture lumineuse!
Charles Camberoque , 2002.
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